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Entretien conduit par Salem TRABELSI et Said BEN KRAIEM | 

L’actrice de légende Mouna Noureddine nous a honoré de sa visite  au siège de La Presse .Au centre d’une polémique ces derniers temps , elle nous a accordé cet entretien à cœur ouvert .

Photo: © La presse Yassine Mahjoub

Dans «Bolice», on vous voit dans un nouveau genre de film et avec  une nouvelle génération de réalisateurs… Parlez-nous de cette expérience…

C’est très important pour moi de travailler avec de jeunes réalisateurs tunisiens et de diversifier les expériences. Il faut reconnaître aussi que les jeunes ne me connaissent qu’à travers les personnages de «Ommi Fadhila» ou de «Ftaima». «Bolice» m’a permis d’entrer dans la peau d’un autre personnage puisque j’interprète le rôle d’une femme chef de gouvernement. C’est tout à fait différent !Le travail avec Majdi Smiri était très agréable. C’est un réalisateur qui vous conduit là où il veut avec beaucoup d’amabilité. C’est une expérience très intéressante. 

Photo: © La presse Yassine Mahjoub

Qu’est-ce qui motive vos choix de travailler avec la jeune génération de réalisateurs ?

Travailler avec les jeunes réalisateurs  est une façon pour moi de recharger les batteries. De plus, cela m’évite d’être engoncée dans les mêmes rôles. Cela me permet aussi de découvrir les nouvelles méthodes et techniques au service de l’audiovisuel et du théâtre. Et, pour tout vous dire, ça me permet de retrouver l’ardeur de la jeunesse.

Vous avez accompagné plusieurs générations de réalisateurs, de Jacques Baratier à Majdi Smiri, en passant par Abdellatif Ben Ammar, comment avez-vous vécu toutes ces expériences ?

Les réalisateurs avec lesquels j’ai travaillé ont toujours eu quelque chose à dire et à exprimer. Ils m’ont beaucoup enrichie et ils continuent encore à m’enrichir. Ce qui a changé, c’est juste le côté technique avec les nouvelles technologies. Au début, on travaillait avec les moyens du bord. Aujourd’hui, les choses ont évolué, ce qui permet aux réalisateurs de travailler avec plus de confort et cela influence aussi les écritures de l’image. Cela dit, de Jacques Baratier à Majdi Smiri, j’ai toujours été respectée par les réalisateurs et je le leur ai rendu en leur donnant le meilleur de moi-même devant la caméra.   

Pourquoi, selon vous, «Choufli hall» continue à attirer les spectateurs quel que soit leur âge ?

Nous-mêmes, en tant qu’acteurs, on se pose la même question ! A mon sens, quand un travail est bien réalisé et qui arrive à entrer dans les familles à travers le petit écran, il ne peut qu’avoir du succès. C’est aussi l’image de la famille soudée et du dialogue sympathique et sans violence de langage qui a retenu le public.

Dernièrement, vous avez été au cœur d’une polémique à cause d’un costume d’actrice dans la pièce «Raksat Sama» (Danse céleste), de Tahar Issa Belarabi. Comment réagissez-vous à ces attaques ? 

Je résume toute cette polémique par «Qui aime bien châtie bien !». Le public est tellement proche de moi que,  pour lui, je dois représenter une certaine image. C’est vous dire à quel niveau l’image de «Ommi Fadhila» est ancrée dans les mentalités de mon public.

C’est un public qui défend son amour pour moi tout simplement. Je ne vais pas gloser sur la différence entre l’art et la réalité, cette différence tout le monde la connaît. Mais je crois que les gens ont réagi parce que, pour eux, je représente la maman et la grand-mère tunisiennes. cette image est pour eux une certitude.

Ça les rassure et je suis tout à fait compréhensive de leurs réactions. Cela arrive à beaucoup d’acteurs (Anthony Queen ou Mouna Wassef dans le film Errisala). Je n’en fais pas grand cas sincèrement. En ce qui me concerne, je suis convaincue que je n’ai commis aucune incartade. Mais l’unique réaction qui m’a affligée est celle d’une chroniqueuse censée défendre l’art et qui a dit que j’étais en train de «poser» avec ce costume et qu’«elle assume», en parlant de moi, ce symbole chrétien. Ce qui est faux, bien sûr.  Le fait est que c’était la fin de la pièce et il n’y avait pas de rideau qui tombait. Du coup, le public est monté sur scène  pour me féliciter et pour me prendre en photo. Je n’ai même pas eu le temps de respirer ou de changer de costume et je ne peux pas refuser une photo à mon public ! Je vous le dis sincèrement : il n’y a pas une croix chrétienne dans mon cœur mais plutôt le Coran et ses  Saintes  Paroles.

Quel est le message que vous voulez passer aujourd’hui aux Tunisiens ?

Qu’ils s’intéressent davantage au théâtre, au cinéma et à la lecture. Qu’ils soient plus dans la compréhension de la différence entre l’acteur sur scène et l’acteur dans sa vie privée.

A une époque, j’ai interprété le rôle de Bernarda Alba où je faisais des prières en latin. A l’époque, les Tunisiens savaient faire la part des choses et je n’ai eu aucun reproche, aujourd’hui les gens font la confusion et me considèrent comme chrétienne ! Il y a véritablement un problème ! Beaucoup de choses ont changé !   

Ces dernières années, il y a des travaux au cinéma et à la télé qui ont démoli beaucoup de valeurs sûres de la société tunisienne en banalisant certains comportements, comme l’usage de  la violence, de l’alcool et de la drogue. Quel rôle peuvent jouer le théâtre et le cinéma pour redresser la barre ?

Il y a, bien entendu, le théâtre et le cinéma, mais personnellement je m’adresse aux jeunes mamans que je considère comme mes filles pour leur dire d’éduquer elles-mêmes leurs enfants et de ne pas les laisser à la merci d’autres intervenants et aux réseaux sociaux. Je sais qu’elles sont prises par le stress de la vie, mais c’est à elles de contrôler ce que font leurs enfants au quotidien.  Mais, cela dit, les œuvres sont de plus en plus basées sur un discours qui prône parfois la violence et la haine pour créer le buzz.

Certains de nos réalisateurs sont parfois trop influencés par les films étrangers et désirent en faire dans le même genre. C’est vrai que ces problèmes existent, mais c’est aux créateurs d’images de ne pas embellir ces comportements dangereux, mais plutôt de montrer directement leurs conséquences catastrophiques. Nous devons préserver nos agréables  ambiances familiales.

PHOTO COUVERTURE © La presse Yassine Mahjoub     

Salem Trabelsi

Equipe de rédaction, La Presse

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