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Karim Gharbi est incontestablement  l’un des visages les plus drôles du paysage comique actuel ! Que ce soit sur scène, dans des émissions télévisées ou à travers ses rôles au cinéma, il a su conquérir le cœur du public grâce à son talent et ses improvisations. Avec son dernier film Sahbek rajel, il continue de briller et de faire rire aux éclats, tout en repoussant toujours plus loin les limites de la comédie. Sur un scénario de Zine Abeddine Mastouri et Ahmed Sayed, cette comédie familière, signée Kaïs Chekir et produite par le groupement Gobantini, porte à l’affiche et met en vedette Yassine Ben Gamra, Dorra Zarrouk, Sofiane Dahech et bien d’autres stars. Un film qui, selon Karim Gharbi, n’est pas un simple divertissement, mais également une critique acerbe. Dans cet entretien, nous explorerons son parcours, sa vision du comique, ses inspirations et les coulisses de Sahbek rajel. Autant de questions auxquelles il a répondu avec sa franchise et son humour caractéristiques.

Le public vous a connu à travers vos sketchs dans l’émission de Naoufel Ouertani. Racontez-nous comment vous vous êtes lancé dans cette carrière…

Ce que les gens ne savent pas, c’est que j’ai fait des études universitaires de théâtre. J’ai naturellement entamé mon parcours avec des pièces soutenues et réalisées par de grands noms comme Fadhel Jaziri et bien d’autres. J’ai joué sur scène dans des festivals au Maroc et en Egypte.

Puis, avec Zine Abeddine Mastouri et Khalil Ben Jouira, nous avons créé une série intitulée « Debbouz », inspirée des sketchs de Jamel Debouze. Avec des outils simples, en tout une caméra installée dans un dépôt avec un fond blanc, nous avons tourné des épisodes que nous avons postés sur internet. La série a réalisé un nombre de vues considérable et c’est ainsi que Heifel Ben Youssef nous a contactés pour une mise en scène plus professionnelle avec évidemment plus de moyens. Puis, j’ai enchaîné avec des rôles dramatiques. Jusqu’ici, c’est un parcours classique loin de ce qu’on connaît de moi. J’étais invité sur un plateau télé pour présenter mon rôle dans un nouveau feuilleton. L’émission était présentée par Naoufel Ouerteni. Ma manière un peu spéciale de raconter les choses a attiré son attention sur mon talent d’humoriste. C’est ainsi qu’on m’a proposé de collaborer avec la chaîne en faisant des sketchs de stand-up. Devant l’appréciation du public, Sami Fehri, qui n’a jamais travaillé sur des feuilletons comiques auparavant, a eu l’idée de me proposer « Denya Okhra ». Après est venue l’idée de « Oumour Jeddia » puis les quatre films que vous connaissez. J’ai également à mon compte trois one man shows « Mahouch mawjoud », « Double face » et « Visa ».

Entre le cinéma, le théâtre et les séries télévisées, quel genre vous convient le mieux ?

Les one man shows évidemment. C’est aussi mon point fort.

Pourtant, on voit dans vos films des scènes dramatiques où il y a de l’émotion et qui sont très bien jouées.

Ce que vous ne savez pas, c’est que les rôles comiques sont de loin les plus difficiles. D’ailleurs, si on se pose la question sur les feuilletons dramatiques qui marquent la mémoire des Tunisiens, on peut citer une cinquantaine. Par contre, les bonnes productions comiques se comptent sur les doigts d’une main. C’est la preuve que la comédie est plus difficile. De grands acteurs, même à l’échelle internationale, se sont essayés à ce genre et ne sont pas, parvenus à y exceller. Ça donne un rendu fade, sans âme.

Quels sont les acteurs qui vous font rire et que vous considérez comme des références dans le genre comique ?

Je pourrais citer Nasreddine Ben Mokhtar pour son imagination débordante, Lamine Nahdi dans ses pièces anciennes, Adel Imam et Kevin Hart. Je suis plutôt pour l’école ancienne. Cette nouvelle vague d’humoristes maniérés n’est pas à la hauteur des générations précédentes.

Il y a une ligne très fine entre le comique et le ridicule. Comment trouver le bon équilibre selon vous ?

Le rire se déclenche de l’inattendu. C’est toute une philosophie décortiquée dans plein de livres spécialisés. Le scénario est important dans ce sens, mais ce qui compte le plus, c’est la manière de dire les choses, de transmettre des images. Il y a également une part d’improvisation.

De plus, à chaque époque, un sens de l’humour qui lui est propre. Il y a des thèmes et des effets qui ne sont plus au goût du jour : les personnages caricaturaux, les gesticulations, les cris… Le public fait aujourd’hui la comparaison avec les productions internationales sur Netflix et les autres plateformes et devient ainsi de plus en plus exigeant. Il y a des productions anciennes qu’on vénère et qui, passées au crible selon les critères contemporains, auraient déclenché des critiques et des campagnes de boycott. Il faut être audacieux et ne pas avoir peur d’innover. Un autre point important, c’est qu’on ne doit pas trop se fier aux commentaires négatifs sur les réseaux sociaux. Les Tunisiens qui adorent le kafteji et le lablebi, après avoir eu le ventre plein, postent pour dénoncer la nourriture unhealthy. Il en est de même pour tous les domaines.

Sahbek rajel fait rire. Cependant, ce film d’apparence léger semble porter beaucoup de messages à passer…

Oui. On critique avec humour. Mais, là aussi, il faut trouver le bon équilibre. Il y a deux personnages principaux : le policier patriote et le perverti. Dans tous les secteurs, il y a une part de corruption. L’idéal n’existe pas. Mais, on ne parle que des trains qui font du retard, jamais de ceux qui arrivent à l’heure. C’est ça la vocation des artistes, dénoncer ce qui ne va pas. On ne peut pas vivre dans sa bulle, détaché des soucis de sa communauté. Mais, il y a des manières d’attaquer directement que même le public n’apprécie pas.

On colle à Sahbek rajel, comme vos films précédents, l’étiquette « cinéma commercial ». Est-ce que cette catégorisation vous dérange ?

Dire que c’est un film commercial n’a rien de dévalorisant. Le public cherche un divertissement, un contenu à apprécier en famille. Nous faisons un produit qui répond à sa demande. On ne peut pas lui imposer par force le cinéma d’auteur qui se veut élitiste. Au contraire, nous devons nous réjouir de voir les Tunisiens renouer avec les salles de cinéma qui étaient jadis désertes et faire la queue devant les guichets avec leurs enfants. D’ailleurs, tout métier est commercial.  Da Vinci lui-même, quand il peignait ses toiles, était en train de faire son métier. La différence, c’est qu’il y a des films qui remplissent les salles et d’autres qui ne couvrent même pas leurs dépenses. Quand on fait appel à de grands noms pour l’interprétation et la réalisation et qu’on fait une campagne publicitaire, on attend un retour sur investissement.

Il y a des scènes d’action dans Sahbek rajel : le lion, le cirque, les explosions… Comment les avez-vous gérées ?

La production a eu recours à une équipe chinoise très professionnelle avec des cascadeurs. Finalement, nous avons fait la plupart des scènes sans doublures, ce qui a étonné nos amis chinois.

Yassine Ben Gamra s’est chargé de toutes ses séquences. D’ailleurs, avec sa grande taille et ses muscles, il n’a rien d’un Chinois et on ne pouvait pas lui trouver un doubleur. Moi, j’en ai eu besoin pour deux scènes seulement. Par contre, les expositions et les scènes où les personnages étaient pris par le feu étaient bien réelles. On ne pouvait pas se permettre d’utiliser des effets visuels. Le public est bien averti et il sait les déceler rapidement.

Je tiens à féliciter Kaïs Chekir pour son perfectionnisme. C’est, en effet, notre cinquième collaboration.

Je dois également remercier le producteur qui a misé sur ce projet et a fourni tout le nécessaire pour que le tournage se déroule dans des conditions excellentes.

Nous avons besoin d’encourager davantage les producteurs qui sortent de leur zone de confort avec de nouveaux thèmes et de nouvelles expériences. C’est à force de travailler, d’essayer, d’échouer parfois que l’on avance. Les Egyptiens et les Américains n’ont atteint un niveau aussi élevé qu’avec la multiplication des productions.

Après le succès de Sahbek rajel , quels sont vos nouveaux projets ?

Je pars bientôt pour une série de représentations de « Visa » en France. En parallèle, je prépare une sitcom avec la même équipe. Vous le verrez sur Nessma TV au mois de Ramadan.

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