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Chanteuse et comédienne accomplie, Lobna Noomen révèle un talent incontestable. Bien qu’absente des grands festivals d’été cette année, elle s’apprête à monter sur scène à Avignon, au cœur du célèbre festival, pour le plus grand bonheur d’un public international. Dans cette interview à cœur ouvert, elle se confie sur sa persévérance, ses ambitions artistiques et ses projets à venir.

Votre dernier projet en tant qu’actrice a été le court-métrage «Thniet Icha» récompensé aux Journées cinématographiques de Carthage. Il s’agissait également du dernier film de la regrettée Rim Hamrouni. Quels souvenirs gardez-vous du tournage ?

Ce film me tient particulièrement à cœur. En tant que femme, il m’importait de porter la voix des ouvrières agricoles victimes d’accidents tragiques durant leur transport. Le tournage s’est déroulé en plein été dans une région isolée. L’accueil des habitants a été incroyablement chaleureux. L’ambiance sur le plateau était également très conviviale malgré la dureté du sujet. C’est un film profondément émouvant avec des scènes bouleversantes qui nous ont souvent arraché des larmes. Pourtant, l’équipe est restée soudée et de bonne humeur, notamment grâce à Rim Hamrouni, qui ne cessait de nous faire rire par sa joie de vivre contagieuse.

Vous avez également interprété la chanson du générique. Peut-on dire que vous êtes une chanteuse qui joue la comédie ou une comédienne qui chante ?

Je dirais que je suis avant tout une comédienne qui chante. Lorsque je monte sur scène, je m’immerge dans le personnage que je chante et c’est mon bagage d’actrice qui me permet de transmettre les émotions avec justesse.

C’est vraiment l’actrice en moi qui donne vie à la chanteuse. Cependant, je suis actuellement plus active en tant que chanteuse.

En effet, la musique permet souvent d’avancer en solo sans attendre la dynamique d’un projet collectif comme c’est le cas au cinéma ou au théâtre.

Vous êtes souvent associée à des styles musicaux bien précis. Est-ce un choix personnel ou est-ce plutôt votre voix qui a orienté cette classification ?

En réalité, ce sont surtout mes premières expériences qui ont conduit le public à me coller une étiquette. Mais je tiens à préciser que l’engagement en musique ne se résume ni à des thématiques figées, ni à un style vestimentaire ou une attitude particulière. C’est un stéréotype auquel je ne m’identifie pas entièrement.

En effet, j’essaie de ne pas me laisser enfermer dans une case. Je sors régulièrement de ma zone de confort pour explorer de nouveaux univers musicaux. Je chante aussi bien du folklorique que du moderne, de l’oriental que de l’occidental. Mon objectif est d’être souple, de m’adapter, d’évoluer et surtout de surprendre, mais sans jamais faire de compromis sur la qualité.

Estimez-vous que vous méritez davantage de succès et de reconnaissance ?

C’est une remarque qu’on me fait souvent et je dois dire que oui. En effet, ma carrière n’a pas toujours été fluide. Elle a été marquée par des contraintes liées en grande partie aux limites de l’industrie artistique en Tunisie. Quand on est un artiste indépendant, il est difficile de progresser à un rythme régulier. D’ailleurs, j’ai plusieurs chansons prêtes depuis des années que je n’ai pas encore pu enregistrer ni faire découvrir au public. Je peux même meubler deux heures de concert rien qu’en chantant mon propre répertoire et sans recourir aux reprises. Je me bats pour trouver des issues. J’ai déposé des demandes de subventions pour des chansons que le public et les critiques ont appréciées. Cependant, la réponse n’a pas été positive sans donner d’explications, ce qui m’a vraiment déçue.

Sur le plan pratique, ceux qui se produisent souvent dans des événements privés disposent d’un confort financier qui leur permet d’investir dans des clips et des albums. En revanche, quand on choisit de se consacrer principalement aux manifestations culturelles, où les cachets sont modestes et souvent versés avec retard, on avance forcément plus lentement.

On vous voit peu dans les grands festivals. À quoi est due cette relative absence ?

J’ai déposé des candidatures qui n’ont pas été retenues. D’ailleurs, si vous l’avez remarqué, les mêmes noms se répètent presque chaque année et s’emparent de la majorité des festivals. Même en dehors des festivals d’été, j’ai proposé un projet à l’Orchestre symphonique tunisien et on m’a dit qu’il faut attendre un appel d’offres. Or, on n’en entend même pas parler pour arriver à soumettre son dossier.

Ce fut un temps quand la troupe nationale et l’Orchestre symphonique tunisien donnaient la priorité à la chanson tunisienne qui a connu son apogée avec Najet Attia, Amina Fakhet et d’autres. Je continue pourtant à travailler, à créer et à proposer des projets artistiques solides. Même si cela ne suffit pas toujours à franchir certaines portes, je garde l’espoir et j’essaie d’avancer malgré tout.

Vous serez sur scène au Festival d’Avignon dans quelques jours. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il s’agit d’un spectacle d’envergure, mis en scène par Radhouane Meddeb, avec la participation de plusieurs artistes tunisiens.

J’y interpréterai des titres issus de mon propre répertoire. Ce projet s’inscrit dans le cadre d’un festival international qui attire un large public arabe et occidental. Une tournée est également prévue prochainement en France avec Radhouane Meddeb, dans le cadre de notre projet «Le Cabaret de la Rose Blanche». Cela fait deux ans que nous présentons ce spectacle en tournée et il a rencontré un très bel accueil partout où nous l’avons joué.

Est-ce que vous avez d’autres projets en vue en Tunisie ?

Je travaille actuellement avec Wafa Tabboubi sur une pièce de théâtre que nous comptons présenter en octobre. Le théâtre m’a énormément manqué. Ce que j’aime profondément, c’est cette possibilité de redonner vie au personnage à chaque représentation, contrairement au cinéma où l’on joue une seule fois devant la caméra.

C’est aussi cette expérience du «ici et maintenant», ce lien direct avec le public et l’énergie transmise en temps réel qui fait du théâtre une passion irremplaçable pour moi.

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