Un homme politique qui annonce une réforme choc, une célébrité locale qui tient des propos outranciers… et si tout cela n’était qu’une illusion ? Une nouvelle forme de manipulation sur nos écrans ? Bienvenue dans l’ère du deepfake.
La tendance, qui s’est démocratisée avec des applications grand public, est capable de créer des vidéos totalement truquées en seulement quelques clics qui suffisent pour faire dire n’importe quoi à n’importe qui, avec un réalisme parfois déroutant.
Les premiers deepfakes sont apparus discrètement en 2017, alors que cette technologie était uniquement disponible pour quelques passionnés de high-tech qui savent manipuler des outils aussi complexes. Mais rapidement, les choses se sont enchaînées pour devenir une technologie accessible parfois gratuitement à n’importe quelle personne qui dispose d’un smartphone et d’une connexion internet.
Une technique bien ficelée
La recette est simple sur le papier : nourrir une intelligence artificielle avec des centaines d’images et de vidéos d’une personne réelle, pour lui faire apprendre ses mimiques, sa gestuelle, sa voix. Ensuite, l’algorithme recompose ces éléments pour fabriquer une séquence totalement inédite, si bien ficelée, qu’il devient difficile, parfois impossible, de distinguer le faux du vrai.
La première méthode est le «face swap» (échange de visage), qui consiste à remplacer le visage d’une personne par celui d’une autre sur son corps. Cette technique est relativement simple et accessible via des applications mobiles comme Snapchat, Reface ou Face Magic, explique une vidéo de l’AFP. La deuxième méthode, plus complexe, est le « face reenactment » (réinterprétation faciale) qui implique le fait de prendre une vidéo originale de la victime et d’y reproduire sa gestuelle, ses mimiques et ses mouvements grâce à un acteur en studio, afin de modifier la posture ou l’expression faciale de la cible.
Une autre méthode consiste en un « lip syncing » (synchronisation labiale) dont l’objectif est de faire dire à une personne des choses qu’elle n’a jamais prononcé, en utilisant de plus en plus une voix générée par l’intelligence artificielle qui imite parfaitement la voix de la victime.
Des vidéos truquées ont déjà été utilisées pour nuire à des personnalités publiques, manipuler des électeurs ou, encore, piéger des entreprises dans des arnaques financières. Mais concrètement, comment faire la différence entre une vraie vidéo et une vidéo générée par IA (deepfake) ? Des détails, parfois subtils, peuvent trahir ces manipulations numériques, à l’instar d’un regard qui cligne trop rarement, des lèvres mal synchronisées avec le son, une peau beaucoup trop lisse, des ombres incohérentes… Ces imperfections échappent à un œil distrait, mais restent visibles pour ceux qui prennent le temps de regarder attentivement.
Malheureusement, le problème est que la viralité des réseaux sociaux joue en faveur des faussaires, puisque les gens, souvent, ne font pas l’effort de vérifier, mais n’hésitent pas à partager, et une vidéo « choc » est parfois partagée des milliers de fois en seulement quelques heures.
L’esprit critique
Comme pour tout contenu, à l’ère de l’IA générative, il est important de garder un esprit critique, qui reste de loin notre meilleur allié dans ce monde qui bouge sans discontinuité. Prenez donc le temps de vérifier la source d’une vidéo, prendre le temps de confronter plusieurs médias, ralentir une séquence suspecte pour observer les détails… Mais si vous n’en avez pas le temps, et que vous avez un doute (la source n’est pas officielle par exemple), alors le moins que vous puissiez faire est de ne pas contribuer à la viralité de la vidéo, donc ne la partagez pas à votre tour.
Pour le moment, le Deepfake en est à ses balbutiements, des balbutiements trop puissants, donc je vous laisse imaginer ce qui en sortira d’ici quelques années, ou même quelques mois. Partout dans le monde, les gouvernements s’interrogent. Comment réguler ces contenus sans censurer la création numérique? Faut-il légiférer, responsabiliser les plateformes, ou sensibiliser les citoyens ?
Évidemment, les deepfakes ne sont pas seulement utilisés à des fins douteuses, en effet, l’industrie cinématographique peut l’utiliser pour ressusciter des acteurs disparus ou rajeunir des stars vieillissantes. Par ailleurs, les éditeurs de jeux vidéo créent des personnages plus vrais que nature grâce à l’IA et particulièrement le Deepfake.