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Vive, pétillante, Wiwi Percu excelle dans son art. Héritière d’une lignée de femmes percussionnistes, la jeune femme dynamique, à l’énergie contagieuse, manie comme nulle autre pareille les instruments comme la darbouka, la farkha, la conga, les chqachaq, les timbales….. Le rythme, elle l’a dans « les gènes ». A chacun de ses spectacles où les rythmes endiablés s’enchaînent, elle déploie une magie envoûtante, en tambourinant sur ses instruments qui font vibrer à l’unisson la scène et le public.

Pour commencer, qui est Wiwi percussionniste ? Pourriez-vous nous la présenter en quelques mots ?
Je suis Wiem Rachah, plus connue sous le nom de Wiwi Percu, Wiwi étant le diminutif de Wiem et Percu, de percussionniste. Je suis professeure de musique et percussionniste. J’ai un Master en Musique et Musicologie et je prévois de poursuivre des études de doctorat. À l’Institut Supérieur de Musique, j’ai choisi de me spécialiser dans l’instrument de la batterie. J’ai acquis ma maîtrise des autres percussions très rapidement sur scène. Par ailleurs, mon répertoire ne se limite pas aux percussions : je joue également de l’orgue et du piano.

Le choix des instruments à percussion est peu conventionnel. Comment cet amour pour ce type d’instruments vous est-il venu?
J’ai ouvert mes yeux au sein d’une véritable famille d’artistes. Mes deux parents sont musiciens. Mon père, violoniste et joueur de l’instrument du oud, m’a initiée à l’orgue dès mon plus jeune âge. Toutefois, les racines les plus profondes de ma passion pour les percussions se trouvent du côté maternel. Je suis la cinquième génération de femmes de ma famille à jouer de ces instruments. Cette immersion m’a donné le rythme dans le sang, ou les gènes, si l’on veut. Mon arrière-grand-mère et ma grand-mère étaient déjà des percussionnistes. Mon arrière-grand-mère fut la première femme à exercer la profession de « machta » à Bakalta. La machta est bien plus qu’une simple animatrice. C’est la cheffe d’une troupe féminine de percussionnistes qui est une figure centrale des cérémonies et des fêtes traditionnelles. Donc, cette transmission s’est faite naturellement, au fil des ans, bercée par les darboukas et autres percussions traditionnelles qui n’ont jamais quitté le foyer familial. C’est d’ailleurs ce riche patrimoine qui a inspiré mon projet de master, portant sur les chants populaires féminins de Bakalta.

A quel âge, votre aventure avec les instruments à percussion a-t-elle commencé ?
Depuis que je suis toute petite, j’ai commencé à jouer de la darbouka en voyant ma mère en jouer et puis à l’Institut Supérieur de Musique j’ai choisi la batterie car depuis toute petite j’ai toujours rêvé d’en faire.
En entrant à l’Institut Supérieur de Musique, je me suis rendue compte que ce sont uniquement des étudiants masculins qui ont choisi de se former dans cet instrument. Je me suis alors dit pourquoi pas moi aussi d’autant plus que j’aime beaucoup cet instrument et j’adore surtout relever les défis. C’est un trait de ma personnalité de vouloir me fixer des défis et les atteindre.
Je suis allée voir mon professeur et je lui ai dit que je voulais apprendre à jouer de la batterie. Il a été surpris d’autant que c’est la première fois qu’une étudiante choisit d’apprendre cet instrument. Il m’a fait un test que j’ai passé avec succès.
J’ai alors opéré un changement dans mon cursus universitaire, en choisissant la batterie comme instrument de spécialité et le piano comme option. J’ai joué des timbales et de la darbouka. Je me suis essayée à tous les rythmes sans aucun effort sur cet instrument car comme je l’ai dit auparavant j’en joue depuis que je suis toute petite.

Quels instruments jouez-vous actuellement et avez-vous envisagé d’en intégrer d’autres afin de diversifier davantage votre palette sonore ?
Mon répertoire instrumental est riche et diversifié et s’articule principalement autour de nombreux instruments à percussion.
Je joue plusieurs instruments, dont le djembé (ou tam-tam), d’origine africaine, les timbales, instruments à percussion issus des traditions latines, deux types de darbouka, à savoir la version folklorique et la version populaire, appelée aussi «farkha».
J’ai également élargi cette panoplie de percussions en intégrant le bendir Tijania, les chaqcheq, la conga, ainsi que le cajón (prononcé couramment « cakhon »), lui aussi issu des traditions latines.

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Pourquoi y a-t-il si peu de femmes qui choisissent de se former et de jouer des instruments à percussion ? Ce phénomène est-il lié, selon vous, à un manque d’opportunités de formation ?
L’offre de formation n’est absolument pas en cause. Il est vrai que la présence des femmes dans le domaine des percussions reste assez faible.
Toutefois, j’ignore les raisons exactes de ce désintérêt. Cependant, il est essentiel de souligner qu’aucun instrument n’est l’apanage des hommes.
Les Tunisiennes possèdent toutes les capacités pour apprendre et maîtriser absolument tous les types d’instruments qui existent.
Est-ce que la pratique de certains instruments nécessite une certaine force, une technique particulière et une dextérité au niveau des doigts?
Oui, tout à fait. La darbouka, à titre exemple, exige une technique particulière. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains percussionnistes ne peuvent pas en jouer durant toute une soirée. Leurs doigts finissent par devenir douloureux. Cette technique spécifique requiert, en effet, des efforts, ainsi qu’une souplesse et une agilité au niveau des doigts. En fin de compte, cette technique, on l’a ou on ne l’a pas. C’est pourquoi il faut passer automatiquement un test avant de choisir de se former à un instrument à percussion.

Trouvez-vous que les instruments à percussion présentent une difficulté de jeu plus importante que des instruments classiques comme l’orgue, le piano, le violon… ?
Oui, les instruments à percussion sont plus difficiles à jouer. Alors que l’orgue, que je pratique également, est plus facile à manier. D’ailleurs, au sein de ma troupe féminine, je joue également de cet instrument ainsi que de la boîte à rythmes.

Des villes comme Sousse, Jemmal, Moknine ou Mahdia sont renommées pour leur riche culture rythmique populaire. Celle-ci est intimement liée, entre autres, aux chants entonnés lors des travaux agricoles, ou pour célébrer des événements festifs comme les récoltes et les mariages. Je présume que vous avez baigné dans cette ambiance depuis votre plus tendre enfance ?
Les troupes féminines sont très anciennes et présentes depuis très longtemps dans la région de Bakalta. Leur présence remonte à plus de deux siècles. Malgré l’environnement patriarcal, elles animent traditionnellement les festivités et les mariages. Elles jouent un rôle central en accompagnant la mariée pendant les sept jours de festivités liées à la célébration nuptiale : elles accompagnent tous les rituels de la cérémonie, en en orchestrant tous les aspects, du coiffage à l’animation musicale. D’ailleurs, pour contrer la menace de disparition engendrée par la mondialisation, j’ai répertorié ces chants féminins populaires et traditionnels de Bakalta dans mon projet de recherche de Master.

Avez-vous envisagé à accorder les instruments à percussion que vous utilisez avec certains de ces chants traditionnels afin de créer de nouveaux morceaux musicaux?
J’ai récemment revisité un chant très ancien interprété par ma grand-mère, intitulé «Meziena hennetha». J’ai moi-même conçu et rédigé le scénario du clip vidéo, disponible sur YouTube pour une raison qui est simple : je maîtrise parfaitement les traditions nuptiales de ma région. Le clip dépeint ces rituels, cent ans en arrière : on y voit la mariée, entourée de jeunes femmes, qui s’apprête à quitter le foyer et sa famille. Les machtats, membres de la troupe féminine, sont présentes pour l’accompagner : elles la coiffent, la consolent, lui appliquent du henné sur les mains, le tout en chantant des mélodies populaires et en jouant des percussions. J’envisage de créer d’autres chansons en m’inspirant de ce même style.

Comment cette culture populaire et cette ambiance musicale ont-elles influencé votre style musical ?
Mon approche musicale est novatrice. J’ai cherché à sortir des sentiers battus en offrant une vision moderne à mon style de musique, et ce, en fusionnant le style traditionnel et populaire et le style occidental. Dans mes spectacles, j’illustre cette fusion en associant, à titre d’exemple, la darbouka folklorique et la darbouka populaire à des morceaux de musique backing tracks. Dans mon clip «Helma », par exemple, j’ai joué de la darbouka sur une chanson de rap de Balti. Il est d’ailleurs rare de voir une instrumentaliste féminine jouer de la darbouka — un instrument traditionnellement associé au mezoued et aux spectacles populaires — et l’accorder à de la musique préparée en studio, en collaboration avec un DJ. Je suis également capable d’improviser des morceaux de percussions avec n’importe quel DJ lors de grands shows à percussion, une prouesse qui exige une concentration et une expérience considérables. Je souhaite d’ailleurs avoir l’opportunité de partager cette expertise, en animant des masterclasses dans les instituts de musique ainsi que des ateliers dédiés à ce type de musique.

Quelles sont vos autres sources d’inspiration musicale ? Avez-vous été inspirée par de grands percussionnistes qui ont façonné votre style et dicté vos options instrumentales ?
En Tunisie, mon professeur, Hichem Mozgo, est une figure majeure et une grande source d’inspiration pour moi. Je me dois également de mentionner Hamdi Jammoussi qui est un excellent percussionniste. A l’échelle internationale, mon cheminement a été marqué par des percussionnistes de renom tels que Tony Succar et Giovanni Hidalgo. Quant aux styles et aux rythmes qui ont influencé mon approche, j’ai une grande affinité pour le stambali que j’aime fusionner avec la musique afro et le style occidental latino.

Votre style vestimentaire composé, entre autres, de vêtements qui s’inspirent de notre patrimoine, est très soigné. Est-ce une démarche délibérée pour créer une synergie artistique avec votre musique et composer un véritable tableau scénique lors de vos spectacles ?
En tant qu’artiste polyvalente, j’accorde un intérêt particulier à mon apparence scénique. Je ne fais appel à aucun styliste ou modéliste en particulier ; je sélectionne moi-même mes tenues et mes accessoires. Mes choix sont guidés par mon état d’esprit, la nature de l’événement et, bien sûr, la thématique du spectacle que j’anime. C’est pourquoi j’ai toujours sur moi une valise remplie de vêtements, prête à toute éventualité (sourire).

Envisagez-vous, un jour, d’organiser un grand spectacle de percussions exclusivement féminin, réunissant des musiciennes de différentes nationalités ?
Mon ambition serait plutôt de concevoir un spectacle qui met à l’honneur des rythmes musicaux populaires, tels que le « fezzani ou le alleji de Gafsa», tout en leur conférant une vision résolument moderne. Je trouve particulièrement intéressant, dans un show axé sur ces rythmes régionaux, d’associer, par exemple, le fezzani à des sonorités latino.

prévoyez-vous de partir en tournée dans les pays arabes pour faire découvrir notre riche patrimoine et nos instruments populaires tunisiens ?
En Algérie, j’ai eu l’honneur de participer au festival « Les Nuits de Casif », l’équivalent des Journées de Carthage. J’y ai présenté un show de percussions inédit, en collaboration avec un DJ. L’originalité de ma performance résidait dans son caractère complet : il ne s’agissait pas seulement de jouer de mes instruments, mais de créer un tableau artistique où j’ai fusionné la danse et les instruments de musique, créant une belle synergie artistique. Comme je l’ai déjà souligné précédemment, un artiste doit être polyvalent.

Quels sont vos projets futurs ?
Je prépare un nouveau projet qui s’inscrit dans la continuité du clip «Helma », pour lequel j’ai assuré la réalisation du scénario, la production et que j’ai tourné dans trois régions différentes en jouant de la farkha et des timbales. Il s’agira d’un clip fortement axé sur l’esthétique visuelle, où je porterai les tenues traditionnelles des 24 gouvernorats tout en jouant de la darbouka (farkha). J’ai l’espoir sincère que ce projet devienne un trend.

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