Notre destination pour cette semaine est Tataouine, l’une des plus belles échappées de la Tunisie. Le voyage vers Tataouine depuis Tunis est une longue traversée du pays, du nord verdoyant au sud minéral. En quittant la capitale, la route suit l’autoroute A1 qui longe la côte orientale. On traverse d’abord les plaines fertiles de Nabeul et de Sousse, puis on poursuit vers Sfax. Peu à peu, le paysage change : les oliveraies s’étendent à perte de vue, l’air devient plus chaud, plus sec.
Après Gabès, dernière grande oasis maritime du sud, on quitte l’autoroute pour rejoindre Médenine, la porte du désert. La route serpente alors entre collines et plateaux rocheux, ponctués de villages aux maisons ocres et de ksour berbères haut perchés. En approchant de Tataouine, la terre prend des teintes de cuivre et de feu, le vent du désert se lève, et le silence s’impose. Ce trajet, d’environ 530 kilomètres, offre une véritable immersion dans la diversité tunisienne. Aux confins du Sud tunisien, là où la route se perd dans la poussière du vent, Tataouine surgit comme un mirage. Ce n’est pas une simple destination : c’est une rencontre avec la terre, la lumière, et le temps.
Les ksour, forteresses du temps
Au détour d’une piste ocre, les ksour apparaissent : d’imposantes citadelles de pierre, dressées face au désert. Ksar Ouled Soltane, chef-d’œuvre d’architecture berbère, se dresse dans un silence presque sacré. Ses ghorfas empilées (chambres) racontent l’ingéniosité d’un peuple qui, pour se protéger de la canicule et du froid, a bâti des forteresses de mémoire. Sous le soleil brûlant, les murs prennent la couleur du miel et de la braise. À chaque pas, le sable murmure une histoire ancienne, celle des tribus nomades qui traversaient le Dahar avec leurs caravanes chargées de dattes, de blé et de sel.
Chenini, suspendue entre ciel et désert
Perché sur une crête rocheuse, le village de Chenini veille sur la vallée comme un gardien du temps. Les maisons troglodytes creusées dans la montagne semblent épouser la terre, tandis qu’au sommet brille une mosquée blanche, fragile et pure. Ici, la lumière change à chaque heure : or au matin, rouge au crépuscule, argentée sous la lune. Le silence y est total, presque spirituel. On ne visite pas Chenini, on l’écoute.
Le souffle du désert à Ksar Ghilane
Plus loin, le paysage se transforme : les collines s’effacent, les dunes s’étendent. Au cœur de cette mer de sable, Ksar Ghilane surgit — une oasis de verdure et de chaleur. L’eau y jaillit d’une source naturelle, douce et brûlante à la fois. Cette source d’eau chaude— où on peut se baigner— possède des vertus thermales. Les voyageurs s’y plongent pour apaiser la fatigue du désert, pendant que les dromadaires attendent, immobiles, dans la lumière du soir. Le vent déplace le sable comme une vague lente. Le monde semble s’être arrêté.
Au cœur du Sahara, la nuit s’installe lentement, enveloppant le désert d’un calme presque irréel. À mesure que le soleil disparaît derrière les dunes et les collines du Dahar, le ciel s’embrase de teintes dorées puis s’assombrit pour laisser place à un spectacle grandiose : une mer d’étoiles. Nuelle part ailleurs, les étoiles ne paraissent aussi proches qu’à Tataouine. Elles scintillent au-dessus des dunes, dessinant des constellations oubliées. Dans ce silence absolu, les visiteurs, souvent venus de loin, se rassemblent autour du feu. Ils comprennent que le vrai luxe du sud, c’est le silence.
Le thé à la menthe chauffe doucement, et les conversations s’apaisent face à l’immensité du ciel. Ici, loin des lumières des villes, le firmament retrouve toute sa puissance. Les guides locaux racontent les légendes du désert, celles des caravanes et des étoiles qui guidaient les voyageurs. Une nuit dans le désert, c’est plus qu’une escapade : c’est une rencontre avec la nature dans ce qu’elle a de plus pur. Entre silence, sable et lumière, le visiteur découvre une paix que seuls les grands espaces peuvent offrir. Dans le désert, chaque étoile raconte une histoire — celle d’un monde oublié, mais toujours vivant.
À Tataouine, l’accueil est une seconde nature. Les habitants t’ouvrent leurs portes et leurs cœurs. Leurs visages, burinés par le soleil, racontent la fierté et la patience d’un peuple enraciné dans sa terre. Les femmes tissent les bakhnougs aux couleurs du couchant, les hommes sculptent l’argile, les enfants courent entre les ksour comme dans un décor de rêve. Tataouine, le cœur battant du Sud, ne se contente pas d’être belle, elle bouleverse. Elle est cette frontière invisible entre le réel et le mystère, entre la vie et le souvenir. Sous ses ciels sans fin, le voyageur se découvre lui-même face à l’immensité.
Bon voyage !