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Ahmed Landolsi est acteur, mais aussi producteur. Avec une carrière brillante et diversifiée, il a su naviguer entre rôles complexes et personnages mémorables, prouvant son incroyable polyvalence. Au mois de Ramadan, nous le verrons dans un nouveau feuilleton « Al Zaïm », qui sera diffusé sur Telvza TV. Comme il se montre toujours prêt à relever de nouveaux défis et à surprendre son public, il nous parle dans cette interview de son parcours, de son métier, mais aussi de ses projets à venir. Un échange sincère et enrichissant à découvrir.

Au fil de votre carrière, vous vous êtes mis dans la peau de personnages dont les profils et le background sont très différents. On pense notamment à Mahdi de «Maktoub», suite auquel vous avez enchaîné avec Zied, le bandit dans «Awled Moufida». On s’apprête actuellement à vous voir dans « Al Zaïm ». Comment réussissez-vous ces métamorphoses ?

C’est une question de préparation psychologique, de concentration et de technique. Il y a  ceux qui ont tendance à demeurer dans leur zone de confort et à s’accrocher à leurs points de force. Moi, j’essaie toujours de tenter du nouveau dans le choix de mes rôles. On parle de la notion d’«acteur caméléon ». Des fois, du début à la scène finale, c’est le même personnage qui évolue et se transforme au sein du feuilleton. Certains réalisateurs préfèrent aussi présenter l’acteur dans une nouvelle image avec leurs visions et leurs propres touches. La direction d’acteur a, ici, toute son importance pendant les répétitions comme au studio. Moi, personnellement, j’aime qu’on me coache et qu’on me dirige. C’est ainsi qu’on tente de nouvelles pistes et qu’on explore de nouvelles facettes de soi-même. C’est là aussi que se déploient la force du casting et l’importance du talent.

Une polémique a été provoquée par vos déclarations récentes en rapport avec la question du talent et du diplôme universitaire. Est-ce que ceux qui ont fait des études universitaires dans ce domaine peuvent se considérer prioritaires dans les castings ?

Non, évidemment. Le fait d’avoir un diplôme n’ouvre pas automatiquement les portes des studios. Je le redis encore : le talent avant tout, puis il y a la formation. Il y a une différence entre acteur et projet d’acteur. Il faut qu’il y ait cette disposition naturelle qu’on perfectionne avec le travail et l’apprentissage. J’ai évoqué dans ce sens le secteur de la télé et du cinéma d’une façon particulière parce que le passage devant la caméra n’a absolument rien à voir avec le jeu théâtral sur les planches. Ce n’est pas moi qui le dis, je n’invente rien. Ce sont mes collègues spécialistes du théâtre qui l’affirment. Le théâtre a ses spécificités et ses techniques particulières. Comme ce n’est pas ma spécialité,  je ne me permets pas d’y creuser et de donner mon avis là-dessus. Il y a certainement des acteurs polyvalents diplômés et qui ont brillé dans le théâtre comme à la télé et au cinéma. Mais on ne peut pas nier l’existence de personnes diplômées avec des cartes professionnelles et qui veulent s’imposer en dépit du manque de talent. Les diplômés sont donc prioritaires pour leur donner une chance dans les castings sans qu’ils soient retenus automatiquement. On opte des fois pour des castings sauvages. C’est ce qu’on fait même à l’étranger. Donc, je n’écarte pas la formation académique et le diplôme, mais la base c’est le talent pour le grand et le petit écrans.

Qu’est-ce que vous pensez des castings qui se font  sur Instagram,  notamment pour les rôles féminins ?

Qu’il soit instagrammeur ou banquier, ça ne change rien pour moi. Le métier n’y est pour rien. Si c’est quelqu’un qui a du talent,  on peut le former et il peut très bien réussir dans ce domaine.

Parlons de « Al Zaïm ». Quel est le thème principal du feuilleton ?

C’est un drame sociopolitique mis en scène par Hamdi Jouni. Je suis derrière l’idée du projet et j’ai participé à l’écriture du scénario. Son point fort est que les personnages ressemblent aux Tunisiens que nous rencontrons dans la vie de tous les jours.

C’est aussi un hommage à de grands acteurs comme Mariem Ben Chaâbane, Atef Ben Hssine et Houssem Sahli. Nous y travaillons avec tout l’amour que nous portons à notre métier. Les acteurs en tête d’affiche font beaucoup de sacrifices pour mener ce projet à bon port en dépit des conditions de production extrêmement difficiles. C’est le budget le moins cher avec lequel j’ai travaillé dans toute ma carrière.

Est-ce que les feuilletons peuvent encore être rentables avec cette tendance à délaisser la télé au profit des plateformes digitales, notamment quand le contenu est gratuit ?

C’est tout un calcul à faire, en dehors de la télé nationale qui ne fait pas de productions à but lucratif. « Al Zaïm » sera diffusé sur une chaîne privée. Le rendement provient uniquement de la publicité et des plateformes de diffusion. Il n’y a pas d’autres sources de revenus. C’est alors la notion de risque qui détermine le budget. Un producteur n’est pas disposé à perdre de grandes sommes, surtout avec les conditions actuelles du marché que nous connaissons tous. Le problème en Tunisie est avec les productions saisonnières reliées forcément au mois de ramadan et où le nombre d’épisodes doit être forcément de 15 au moins. Il faut agir pour ouvrir le marché dans le domaine de la télé comme cela a été le cas dans l’industrie cinématographique. Je pense notamment à des mini-séries de quelques épisodes. C’est un format en vogue à l’échelle internationale et qui a beaucoup de succès comme il peut être produit à prix modéré et diffusé sur les plateformes.

On déplore un taux de violence élevé dans les feuilletons ramadanesques récents. Est-ce que vous pensez que  ce qu’on montre à la télé nourrit le comportement agressif chez les jeunes ?

Photo: @ Seif Oueslati

La violence et la délinquance à la télé sont le reflet de la société. Il faut arrêter de tout mettre sur le compte des feuilletons. Ce sont des maux réels et il faut les évoquer pour les mettre en lumière et les corriger. Il y a un message clair derrière ce qu’on essaie de passer. Nous ne sommes pas tenus de tout montrer explicitement. On adoucit, on respecte beaucoup le mois saint. Mais on ne peut pas faire un produit totalement soft. C’est pour cette raison que j’insiste toujours sur les plateformes, ou mieux encore, si nous en avons le temps, de faire un format pour la diffusion à la télé et un autre pour les plateformes. Il faut aussi arrêter de comparer avec les productions anciennes. Le monde autour a évolué, le rythme n’est plus le même, les sujets et les soucis ont changé.

Le public vous connaît en tant qu’acteur. Après une pause, nous constatons un retour en force en vous voyant en train d’élargir vos activités vers de nouveaux secteurs.

Effectivement. Il ne faut pas lâcher. Je me suis senti plus impliqué après la pause, surtout avec mon expérience de producteur au cinéma. Nous avons travaillé sur le cinéma d’enfant.

« Khatem Ellissa » est le premier film pour enfants en Tunisie.

J’ai en tête beaucoup de projets en rapport avec le cinéma pour d’enfants. D’ailleurs, je travaille actuellement sur deux films que vous verrez bientôt en salle.

Qu’est-ce que vous pensez de la hausse du nombre de films tunisiens produits récemment ?

Je suis pour la diversité et j’ai toujours appelé à produire des films familiaux et à ne pas se limiter à la haute saison pour les projections. Le groupement Goubantini y est pour beaucoup en misant sur de grandes productions. Ça nous fait plaisir de voir autant de films de qualité. Finalement, les salles de cinéma existent grâce au public et ceux qui se prennent pour une élite n’ont pas le droit d’écarter les autres. Il faut faire des films auxquels le public s’identifie, qui font rire, qui font peur, qui savent émouvoir tout simplement.

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