Par Mohamed Salah Kadri – Directeur de la Foire
Pour la trente-neuvième fois, les créateurs du livre ainsi que ses passionnés se réunissent en Tunisie autour de nouvelles productions littéraires et intellectuelles, témoignant de la résilience de l’écrit sous toutes ses formes et expressions. Ces œuvres viennent réaffirmer la place centrale de l’écrit dans l’analyse du présent, la compréhension de ses multiples dimensions et dynamiques, ainsi que dans la transmission des savoirs et des cultures. Elles participent également à la diffusion de leurs acquis, à l’échange des idées entre les nations et les peuples, et à la construction d’un avenir meilleur pour l’humanité, fondé sur la science, le savoir, la justice et la prospérité.
Des tablettes d’argile aux supports numériques, les modes de production des textes ainsi que les circuits de leur diffusion ont connu une transformation profonde. Les méthodes de génération du savoir, ses modalités de partage, les instruments de sa diffusion, les formes de sa réception ainsi que les techniques de sa conservation ont évolué, bénéficiant de l’apport des méthodologies scientifiques contemporaines. Le livre ne se contente plus de révéler les réalités : il accompagne désormais l’esprit dans l’effort de compréhension, d’interprétation des significations et des contenus. Il est à la fois la mémoire de l’humanité et l’expression de son imagination.
Dans ce contexte de transformations techniques nées de la quatrième révolution industrielle, avec les possibilités inédites offertes par l’intelligence artificielle, l’Internet des objets, le cloud computing, les ordinateurs sous toutes leurs générations, ainsi que l’omniprésence croissante des réseaux sociaux dans les moindres détails de notre quotidien, des voix se sont élevées pour douter de l’utilité du livre. Pourtant, il restera, malgré tout, un outil fondamental de communication, de diffusion des valeurs et des idées, de consolidation de la sensibilité humaine et de promotion des valeurs de création, d’art et de beauté.
C’est dans cette perspective que la présente édition accorde une attention particulière à la production du contenu culturel et à la transition numérique, envisagées comme des vecteurs stratégiques pour l’enrichissement du contenu culturel, la diversification des pratiques de lecture, l’élargissement de leur accessibilité, ainsi que la réaffirmation du rôle fondamental du livre sous toutes ses formes dans la transmission de la culture.
L’accélération des avancées scientifiques et technologiques a fait apparaître de nouvelles problématiques. C’est pourquoi le comité d’organisation de cette édition a choisi de les placer au centre de sa réflexion, en explorant des thèmes comme les relations entre le livre et les supports multimédias, le plagiat et la piraterie scientifique, la formation du lecteur, ou encore la place de la lecture parmi les pratiques culturelles, du manuscrit à son lecteur. L’objectif est également de mettre en lumière la continuité entre les métiers du livre dans un contexte où la fonction d’éditeur se transforme, et où les exigences techniques, organisationnelles et artistiques sont en constante mutation. Ces métiers conjuguent dimensions économique et symbolique, traçant les perspectives d’un engagement structuré dans les domaines de la création, de l’édition, de la distribution, de la lecture et de la traduction.
Les défis auxquels le monde est actuellement confronté nous ont amenés, dans cette édition, à accorder une attention particulière au génocide commis par l’occupant sioniste contre Gaza, sa terre, son peuple, sa culture et son identité, ainsi qu’à d’autres agressions similaires survenues dans plusieurs pays arabes.
Ainsi, nous avons organisé un colloque sur le roman et la résistance, ainsi qu’une rencontre sur les enjeux actuels de la littérature palestinienne.
Nous avons également souhaité mettre en valeur les efforts engagés en Tunisie pour construire une pensée moderniste, puisant sa force et son rayonnement dans la richesse du patrimoine, la profondeur historique et civilisationnelle du pays, ainsi que dans les contributions des pionniers d’hier et d’aujourd’hui.
À ce titre, nous invitons les chercheurs à s’exprimer sur les penseurs tunisiens et le mouvement des Lumières, sur le rôle joué par l’école Sadiki à l’occasion du 150e anniversaire de sa création, ainsi qu’à réfléchir à l’héritage intellectuel du réformateur Tahar Haddad.
Les visiteurs de la Foire auront l’occasion de rencontrer des figures marquantes de la littérature romanesque, des technologies de l’information, de l’intelligence artificielle et de la culture de Tunisie, du monde arabe et d’ailleurs. Des personnalités qu’ils connaissent, qu’ils ont lues ou admirées, telles que Rachid Boudjedra (Algérie), Mohamed Mesbah (Tunisie), Ibrahim Al-Koni (Libye), Habib Abdulrab Sarori (Yémen), l’écrivain et ancien prisonnier palestinien libéré Abdelfattah Doula, Mazarine Pingeot (France), Liviu Jicman (Roumanie), Kōichi Honda (Japon), Cao Wenxuan (Chine), et bien d’autres encore.
Cette dynamique s’inscrit dans l’ouverture de notre pays à l’autre, avec, en signe fort, la Chine comme invitée d’honneur de cette édition, un geste symbolique en lien avec des échéances historiques porteuses d’espoir et de progrès. D’autres pays, parmi lesquels le Venezuela, l’Italie, la Russie, la Roumanie, la France, l’Espagne, le Portugal et le Japon, proposeront également des programmes spécifiques visant à favoriser le rapprochement entre les peuples et les civilisations, tout en mettant en valeur la richesse des échanges et la diversité des expériences.
Nous avons souhaité que cette édition, en tant que rendez-vous culturel de portée internationale, reflète les profondes mutations de notre époque, tout en offrant une tribune aux grandes questions intellectuelles, culturelles et scientifiques qui interpellent les penseurs de tous horizons, dans le but de faire avancer l’action culturelle et de participer à la création d’un monde meilleur.