Un large public a été présent à l’ouverture du Festival international de Carthage pour le spectacle « Men qaa el khabia », signé Mohamed Garfi. Lors de cette soirée, on a découvert, ou redécouvert, Hamza Fadhlaoui, un jeune chanteur tunisien avec un potentiel immense et un avenir prometteur. Une voix, une présence, un talent à suivre de très près. Entretien.
Vous résidez actuellement au Qatar. Vous avez participé à l’hymne de la Fifa en 2021 ainsi qu’à plusieurs spectacles diffusés sur les chaînes qataries. Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre carrière dans ce pays ?
Je suis arrivé au Qatar à l’occasion d’une fête privée. Finalement, je suis resté et j’ai travaillé comme conseiller client dans une banque. Être artistiquement actif au Qatar représente un véritable défi pour moi. Ce n’est pas seulement une question de terrain difficile. Il existe des opportunités à la radio et à la télévision pour les artistes arabes, comme à « Voix de l’Orient » ou à la radio nationale. Mais il n’y a pas de plateformes susceptibles d’attirer des artistes venus d’ailleurs.
Progressivement, j’ai construit un réseau de paroliers et de compositeurs, et j’ai réussi à m’entourer de grands noms pour créer des chansons qui m’appartiennent. Je participe régulièrement à des événements culturels où j’interprète des registres variés, y compris avec l’Orchestre philharmonique.
En 2021, j’ai pris part à l’opérette de la Fifa où chaque chanteur représentait son pays dans un message de paix et de fraternité.
Actuellement, je fais partie de l’équipe des soirées musicales « Jalassat Sout Al Khalij» où, en plus du chant, je suis chargé de l’élaboration des programmes. J’ai chanté à plusieurs reprises des titres tunisiens, vêtu de la djebba traditionnelle, dans des émissions essentiellement dédiées à la musique des pays du Golfe.
Vous avez été finaliste de « The Voice ». Est-ce que cette émission a été un tremplin pour la suite de votre carrière ?
Je n’ai plus aucun contact avec l’équipe depuis le dernier épisode. J’avais obtenu le meilleur score de votes depuis le début des lives, donc je m’attendais à remporter le titre à l’époque. De nombreux artistes tunisiens m’ont soutenu pendant cette aventure: Latifa, Zied Gharsa, Dorra Zarrouk, Hind Sabri…
Mais avant « The Voice », les Tunisiens m’ont surtout connu à travers l’émission « Enti Star » sur Hannibal TV.
Vous avez déjà fait un premier passage sur la scène de Carthage avec Saber Rebaï. Quels souvenirs en gardez-vous ?
C’était le 13 août 2016. J’étais son invité d’honneur pour un mawal et deux autres chansons. J’ai entendu le public scander mon nom pour la première fois de ma vie. La manière dont Saber Rebaï m’a présenté m’a profondément touché. C’est un grand artiste. Nous étions ensemble à l’émission «The Voice». Je me souviens de ses mots : «Je te donne un coup de pouce, mais c’est à toi de persévérer».
Cette deuxième montée sur la scène de Carthage a-t-elle été différente de la première ?
J’ai eu beaucoup plus de marge et une grande liberté artistique. Mon expérience avec l’Orchestre symphonique tunisien a été particulièrement enrichissante, d’autant plus que j’avais déjà travaillé avec l’orchestre qatari. Je suis donc habitué à suivre attentivement les instructions.
Cette collaboration avec le maestro Mohamed Garfi m’a beaucoup apporté tant sur le plan artistique que personnel. Il est perfectionniste et exigeant, ce que j’ai énormément apprécié. C’est un musicien profondément engagé dans sa vocation, passionné par son art. Le projet représentait pour moi à la fois une grande responsabilité et un stress intense car je tenais absolument à être à la hauteur des attentes. Les retours, tant des spectateurs que des professionnels, ont été globalement très positifs.
Il y a eu cependant quelques critiques sur le fait de reprendre d’anciennes chansons…
Il s’agit là de notre trésor national. Le public les connaît par cœur et nous a même accompagnés en chantant. Je ne vois absolument aucun mal à les reprendre. C’est une manière de rendre hommage à notre musique, à nos racines, à notre identité. Tous les pays sont fiers de leur héritage artistique.
Au Qatar, une chaîne radio, Radio 88, filiale de la célèbre Sawt Al Khalij, est entièrement dédiée aux anciennes chansons. On y diffuse aussi bien des morceaux de Oulaya que de Ali Riahi. Je participe à la programmation en sélectionnant et en diffusant des airs tunisiens. Peu de gens savent que notre musique est en avance par rapport à celles d’autres pays.
Même si je travaille sur des albums personnels, je ne refuserai jamais de participer à des spectacles qui rendent hommage à ces grands artistes tunisiens dont nous devons être fiers. Quand nous avons mimé une célébration de circoncision, c’était un clin d’œil à nos coutumes. Il y a également eu un hommage à la Palestine. Des musiciens français ont joué avec l’Orchestre symphonique tunisien, interprétant à la fois des morceaux tunisiens et palestiniens. C’était très symbolique. Je reste convaincu que ce spectacle correspond parfaitement à l’esprit de ce prestigieux festival.
Avez-vous reçu des offres de collaboration en Tunisie ?
Oui. Chez nous, on apprécie beaucoup le tarab, qui met en valeur la puissance vocale du chanteur, mais on préfère souvent les airs rythmés et entraînants. Mes prochaines chansons seront donc festives, un mélange de musique djerbienne et d’autres influences. Elles sortiront progressivement, à commencer par « Ye Khayen ». Je prépare actuellement des titres en collaboration avec Abderrahim Kouraïchi et Mokhtar El Kebsi. Je prévois également de tourner des clips, mais cela reste compliqué sur le plan matériel car je produis moi-même mes morceaux.
Peut-on comprendre que vous avez eu des difficultés à trouver une maison de disque pour financer vos projets ?
C’est le cas de la majorité des jeunes artistes. On ne mise plus vraiment sur les artistes émergents. Il faut franchir ce cap seul. Ce n’est qu’une fois qu’on a réussi à se faire une place que les producteurs viennent à nous. Pour le moment, je fais de mon mieux et je reste optimiste par rapport à l’avenir.