Que ce soit à cause de l’indisponibilité de certaines pièces de rechange sur le marché officiel ou la possibilité de bénéficier d’un moindre prix, tous les moyens sont bons pour se ruer dans un souk de pièces détachées de la capitale et se procurer le précieux sésame. Mais cela n’est pas sans risque surtout quand la pièce recherchée fait partie intégrante du fonctionnement ou de la conduite du véhicule… C’est sans garantie, aucune.
La crise économique et la flambée des prix des véhicules neufs poussent de plus en plus de Tunisiens à se tourner vers les voitures d’occasion et, par extension, vers les pièces de rechange de seconde main. Si cette tendance permet de réduire les coûts d’entretien, elle soulève de sérieuses questions en matière de sécurité, de garantie et d’impact sur le marché des pièces neuves. Pendant ce temps, le marché parallèle bat son plein et la demande y a explosé, ces dernières années, conjugué à la crise économique.
Un marché parallèle en pleine expansion
Les casses automobiles, les brocantes et même des pages sur les réseaux sociaux sont devenues les nouveaux marchés des pièces de rechange en Tunisie. Moteurs, boîtes de vitesse, amortisseurs, phares… tout se trouve d’occasion. Pour les automobilistes, la motivation est claire, faire une économie sur les coûts d’entretien. «Une pièce neuve coûte parfois plus de la moitié du prix de ma voiture», témoigne Adnan, un chauffeur de taxi. «Avec les pièces d’occasion, on arrive à diviser la facture par deux, voire par trois». Cette réalité est d’autant plus prégnante que la plupart des véhicules en circulation en Tunisie sont des modèles anciens, pour lesquels les pièces neuves sont rares et chères.
Des économies à double tranchant
Si les bénéfices à court terme sont indéniables, les risques sont tout aussi importants. «Le problème avec les pièces d’occasion, c’est qu’on ne connaît pas leur historique», prévient un mécanicien automobile à Bab El Khadhra. «Une pièce qui a l’air en bon état peut avoir été soumise à un accident, ou avoir un défaut caché.» Un pneu usé, un système de freinage endommagé, ou une pièce de direction défectueuse peuvent avoir des conséquences dramatiques sur la route. De plus, les pièces d’occasion ne bénéficient d’aucune garantie, ce qui peut obliger les automobilistes à revenir au garage pour une nouvelle réparation, annulant ainsi les économies réalisées.
Mais alors quelles garanties peut donner un mécanicien qui installe les pièces de rechange d’occasion au client qui en fait la demande, quel est le rapport de confiance dans ce genre d’opérations ? Dans quelle mesure cela peut-il toucher jusqu’à même la sécurité routière et la sûreté des usagers de la route ? On a sondé Ahmed Sahli, revendeur de pièces de rechange d’origine et de marques certifiées à Bab El Khadhra, qui a livré ses impressions sur ce marché florissant, mais à la peau dure. « Cela se passe au quartier El Yhoudia, dans la banlieue d’El Mourouj (Ben Arous). Les voitures hors fonction ou en fin de circulation sont défragmentées sur place, après extraction des pièces détachées comme le moteur, le pare choc, la portière. Le client fait son choix principalement pour des raisons de coût alors même que la pièce en question n’est pas souvent disponible et surtout qu’elle peut s’avérer plus chère que sur sur le circuit officiel. Bien sûr, cela peut comporter un risque pour l’automobile réparée ». Le phénomène n’est pas nouveau, mais prend de l’ampleur sous nos cieux, à mesure que le coût d’entretien d’une automobile devient onéreux, voire exorbitant. Comme contrecoup, le marché officiel des pièces neuves en prend un sacré coup derrière la tête.
L’impact sur le marché des pièces neuves
Le marché parallèle des pièces de rechange d’occasion porte un coup dur aux importateurs et distributeurs officiels. «Le marché des pièces neuves est de plus en plus concurrencé par ces filières informelles», déplore Mourad K., la quarantaine, responsable commercial chez un importateur de pièces détachées. «Les clients préfèrent l’option bon marché, même si elle n’offre aucune assurance de qualité». Cette situation contribue également à la circulation de contrefaçons, qui peuvent être vendues comme pièces d’origine, augmentant encore le risque pour les automobilistes. Un phénomène déplorable, qui touche même à la sécurité routière des usagers et des passagers dans les voitures particulières ou les transports en commun et accentue les dangers sur la route.
Face à ce phénomène, les autorités tunisiennes ont un rôle crucial à jouer. Une réglementation plus stricte du marché des pièces d’occasion, la mise en place de contrôles plus fréquents et une meilleure sensibilisation des automobilistes aux risques liés à l’utilisation de pièces non-garanties sont autant de pistes à explorer pour encadrer cette pratique et assurer la sécurité sur les routes tunisiennes. Pour l’heure, la Tunisie continue de rouler sur un marché de la pièce de rechange à deux vitesses : celui des pièces neuves, garanties mais chères, et celui des pièces d’occasion, abordables mais risquées.