Les téléspectateurs ont découvert et apprécié Fatma Sfar à travers le rôle marquant de Mahbouba dans la série « Raggouj ». Mais cette artiste complète ne se limite pas à ce personnage. Elle mène une carrière multiple, entre théâtre, cinéma et musique. Rencontre avec une jeune créatrice passionnée qui façonne un parcours artistique à son image : libre, authentique et en constante évolution.
Est-ce que vous considérez que le rôle de Mahbouba a marqué un tournant dans votre carrière ?
Oui, absolument. Ce fut une expérience forte, à la fois sur le plan humain et artistique. Ce rôle m’a permis de toucher un public beaucoup plus large que celui du théâtre. J’ai eu aussi l’opportunité de porter à l’écran l’histoire d’une femme qui se bat dans un contexte difficile.
Mahbouba m’a ouvert de nombreuses portes, mais je vois toujours ma carrière comme un voyage composé de plusieurs étapes. Ce rôle a donc été un tournant important, mais certainement pas une finalité. Je souhaite continuer à explorer d’autres personnages, vivre de nouvelles expériences… Je veux aller là où je ne m’attends pas moi-même et entraîner le public avec moi dans cette surprise.
Le succès de ce rôle ne risque-t-il pas de vous enfermer dans une catégorie bien précise de personnages ?
C’est vrai, parfois le succès peut être un frein, car il peut figer l’image d’un acteur dans un seul type de personnage. Il y a cette crainte de ne plus être crédible en dehors de ce cadre. Pour moi, c’est justement un défi : montrer les différentes facettes de mon jeu et m’aventurer dans des univers totalement différents. Je veux que chaque rôle soit une nouvelle ouverture, et non une cage. J’ai envie d’explorer d’autres personnages et d’autres registres.
Peut-on parler de célébrité après ce rôle ?
Au début, ça m’a semblé un peu étrange, je l’avoue. J’ai accueilli cette reconnaissance avec beaucoup de gratitude. Même dans la rue, certaines personnes m’interpellent en m’appelant Mahbouba. C’est très touchant, car cela signifie que le personnage a marqué les esprits.
Mais, en parallèle, je continue à mener une vie simple et discrète. Je veille à me protéger, à rester bien entourée de mes amis proches, ma famille, mes projets artistiques que j’aime profondément et les personnes en qui j’ai confiance pour leurs avis.
Je pense qu’il est essentiel de garder les pieds sur terre. La notoriété née de ce feuilleton ne durera peut-être pas, et elle ne doit pas être une finalité.
Avec la même équipe, vous avez tourné deux saisons de « Raggouj », puis le spectacle. Vous vous êtes également retrouvés pour « Binomi S+1 ». Y a-t-il eu des moments particulièrement marquants lors du tournage ?
Il y en a eu beaucoup, pas forcément devant la caméra. Ce qui m’a surtout marqué, c’est l’ambiance de solidarité au sein de l’équipe. Parfois, les conditions de tournage étaient vraiment difficiles, mais tout le monde restait engagé. Pour moi, c’est quelque chose de très précieux.
Certaines scènes dramatiques m’ont touchée personnellement comme quand Mahbouba découvre la maladie de Youssef ou la scène finale dans L’Aiguille. Il y avait toujours beaucoup de fatigue, des larmes, mais aussi beaucoup de rires et de bonne humeur. Ce sont ces moments-là que je retiens le plus.
Le fait de transformer le feuilleton en spectacle musical a suscité de nombreuses critiques. Comment percevez-vous cela ?
Il n’y a pas vraiment de règles. Le réalisateur garde une certaine liberté artistique. Je comprends que certaines personnes puissent avoir des réserves concernant le passage d’un format télévisé à une production scénique, mais c’est une autre expérience, une autre façon de rencontrer le public et de prolonger la vie du personnage. Nous avons eu la chance de jouer devant un public différent, sur de grandes scènes historiques, et nous avons pris énormément de plaisir à le faire.
L’essentiel, pour moi, c’est d’être sincère dans la démarche et de rester fidèle à l’esprit du projet.
Revenons à vos expériences précédentes dans le théâtre. Vous avez collaboré à de nombreuses pièces présentées à El Teatro. Avez-vous suivi une formation spécialisée ou avez-vous appris sur le terrain ?
A la base, j’étais chanteuse, bien avant d’entrer dans le monde du théâtre.
Tout a commencé un peu par hasard, puis l’envie de continuer s’est installée naturellement. Au départ, ce sont surtout les ateliers qui m’attiraient et je ne pensais pas du tout faire carrière à la télévision ou au cinéma.
Petit à petit, je me suis intégrée dans cet univers si captivant et j’ai commencé à recevoir des propositions, à me faire un nom.
Ensuite, en participant à des films et à des feuilletons, j’ai énormément appris sur le terrain.
Il y a donc, d’un côté, la formation liée au théâtre qui reste ma première passion, et de l’autre, tout ce que j’ai appris par l’expérience. Aujourd’hui encore, je vis chaque nouveau projet comme un apprentissage, une occasion d’évoluer.
Vous êtes montée sur scène à Carthage l’année dernière dans « Noubet Ghram » de Mohamed Ali Kammoun et cette année avec « Raggouj » et « Binomi S+1 ». Il y a eu à chaque fois des milliers de spectateurs. Comment vivez-vous ces expériences ?
La première fois, j’ai eu des vertiges. J’étais habituée à Al Teatro, un lieu beaucoup plus intime où l’on reconnaît parfois les visages de spectateurs fidèles qui reviennent régulièrement. Il y avait une proximité presque familière. Sur les grandes scènes, c’est totalement différent. On ressent une énergie très forte, presque physique, qui vient du public. C’est impressionnant. Pour garder ma concentration, j’évite de regarder au-delà de la scène, je reste focalisée sur mon jeu. Mais une chose est sûre, peu importe la taille de la scène ou du public, j’ai toujours le même engagement, la même passion et le même enthousiasme.
Vous avez joué dans deux films qui ont rencontré un grand succès. Pensez-vous être plutôt faite pour la scène ou pour le grand écran ?
Je pense être faite pour jouer des rôles qui éveillent quelque chose en moi et que je trouve porteurs de vérité, peu importe le format.
Le théâtre reste pour moi un lieu essentiel, un espace où je me ressource.
J’y reviens toujours, d’autant plus que les propositions au cinéma ne sont jamais garanties. Parfois, elles ne me correspondent pas. Le théâtre, en revanche, offre plus d’opportunités et une certaine continuité.
Je reste toujours ouverte à des projets intéressants au cinéma. Si un rôle me touche, je suis prête à m’y investir pleinement.
Vous avez été à l’affiche de « Beyond Reality », un court-métrage engagé produit par ONU Femmes. Pensez-vous que les films courts ont leur place sur la scène tunisienne ?
Bien sûr qu’ils ont leur importance. Mais pour être honnête, je ne raisonne pas en termes de format. Ce qui compte le plus pour moi, c’est ce que je ressens à la lecture du scénario et lors de la rencontre avec le réalisateur.
C’est avant tout une question d’affinité avec le projet et les personnes avec qui je vais travailler. Après, le reste ne dépend pas de moi. Il y a des courts-métrages qui ont été marquants, d’autres moins. Tout dépend du sujet, du traitement, de la mise en scène, de la technique…
Est-ce que vous envisagez de relancer votre carrière de chanteuse ?
Oui, certainement. Il me faut juste retrouver du temps et de l’inspiration pour me remettre à écrire, composer et chanter.
Pensez-vous collaborer avec d’autres artistes ?
Pour l’instant, je compte recommencer en solo. Ensuite, les choses se préciseront avec le temps. Je ne sais pas encore si je vais tourner un clip, sortir un album… Je suis néanmoins ouverte aux propositions de collaboration.
Serez-vous toujours dans l’univers électro, ou envisagez-vous d’explorer d’autres genres ?
Ce que je fais, c’est plutôt du looping. Je crée la musique de l’instrument en utilisant ma voix, puis je pose le chant dessus. Je peux y ajouter des bruitages, des beats, de l’électro…