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En Tunisie, l’accès aux contenus payants comme les matchs de football (BeIN Sports, Canal+) ou les logiciels professionnels (Windows, Office, Photoshop) passe souvent par des moyens un peu détournés, à la limite de la légalité. Plateformes de streaming piratées, comptes partagés, crack de logiciels…, ces pratiques sont légion, et les abonnements «légaux» deviennent marginaux face à l’ampleur du phénomène. Mais comment expliquer cette généralisation de la piraterie ? Et que dit la loi tunisienne à ce sujet ?

En raison de leur coût exorbitant, les abonnements légaux aux chaînes sportives comme BeIN Sports ou Canal+ restent inaccessibles pour une grande partie de la population tunisienne, qui se tourne sans états d’âme vers des plateformes IPTV, des groupes Facebook, des sites de streaming, etc., qui diffusent ces contenus à moindre prix, voire de manière totalement gratuite. Selon une étude, plus de 80 % des Tunisiens consommeraient des contenus sportifs et de divertissement via des moyens illégaux.

Du côté des logiciels, la situation n’est pas meilleure. En effet, la majorité des entreprises, administrations et même particuliers utilisent des versions crackées de Windows, Microsoft Office ou Adobe Photoshop. Les licences officielles, souvent trop chères en dinars tunisiens, ne sont tout simplement pas une option pour beaucoup.

Une impunité totale

La Tunisie dispose d’une législation contre la piraterie numérique, et donc, en théorie, les utilisateurs de plateformes piratées ou de logiciels crackés s’exposent à des amendes, voire à des peines de prison. Mais voilà, ça c’est la théorie, car, dans les faits, les poursuites sont rares ou quasiment inexistantes, voire contre les particuliers, tout comme contre les professionnels. Des professionnels, qui ont d’ailleurs pignon sur rue, font de la pub, sans aucune crainte des autorités.

Le marché Moncef Bey à Tunis est devenu emblématique de cette économie parallèle, servant de lieu privilégié au craquage des codes d’accès aux chaînes satellitaires payantes et des mises à jour automatiques des codes d’accès pour une somme annuelle dérisoire. Avec l’émergence des firesticks et autres terminaux IPTV, les offres piratées, qui captent illégalement les signaux de chaînes cryptées, explosent.

Pas de vide juridique

Pourtant, la loi tunisienne est claire, comme le rappelle Me Insaf Ayari, avocate spécialisée en droit des affaires. Contrairement à une idée largement répandue, il n’existe pas de vide juridique en matière de piratage.

«L’exploitation des logiciels et des licences est encadrée par les articles 43 à 46 de la loi de 1994 relative à la propriété intellectuelle et artistique, qui protège pleinement ce type de contenus», précise-t-elle.

Mais cette législation s’applique-t-elle également aux logiciels étrangers, comme ceux de Microsoft, ou aux chaînes cryptées telles que BeIN Sports ou Canal+ ? «Absolument, répond l’avocate. Toute atteinte portée sur le territoire tunisien peut faire l’objet de sanctions, à condition que les ayants droit — qu’ils soient tunisiens ou étrangers — portent plainte».

L’article  51 de cette loi dispose que «quiconque aura porté atteinte aux droits d’auteur et aux droits voisins, prévus par la présente loi, sera tenu de verser au titulaire de ce droit des dommages–intérêts matériels et moraux dont le montant sera déterminé par la juridiction compétente».

Ces dispositions sont toujours d’actualité, estime-t-elle, «d’autant plus pertinentes aujourd’hui avec la généralisation des outils numériques et le recours massif à des systèmes piratés, notamment dans les foyers comme dans certaines entreprises».

En septembre 2022, BeIN Media Group a annoncé avoir obtenu gain de cause devant des tribunaux tunisiens contre la société Mytek, lui interdisant la commercialisation de cartes d’abonnement IPTV, qui permettent, entre autres, un accès illégal aux chaînes BeIN Sports.

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