Star Academy a marqué toute une génération et on se souvient encore de cette époque où les candidats étaient perçus presque comme des membres de notre famille. Ils vivaient sous nos yeux, leurs rêves et leurs émotions devenaient les nôtres. Bahaa Alkafi, figure emblématique de la première saison, fait partie de ces artistes que nous avons suivis et applaudis. Aujourd’hui, après une longue absence, elle revient sur scène avec un tube qui a fait deux millions de vues en seulement trois semaines. Entretien.
Vous avez pris part à la première édition de Star Academy, un programme qui alliait découverte de talents et télé-réalité. Quels souvenirs en gardez-vous ?
Cette expérience m’a énormément aidée, tant sur le plan artistique que pour le développement de ma personnalité. J’en garde de très beaux souvenirs. C’était ma première fois sur scène, alors que je n’en rêvais même pas et que je me contentais de chanter chez moi, enregistrant ma voix sur des cassettes. Je me suis retrouvée soudainement avec des milliers de téléspectateurs qui me suivaient, à une époque où la télévision avait encore une influence considérable.
Ce fut un véritable tournant dans ma vie qui m’a permis de grandir, de mieux me connaître et de surmonter certaines de mes peurs. Je suis quelqu’un de naturellement timide et réservé, et chanter devant le jury et le public n’était pas facile. Chaque prestation était un mélange de stress et de fierté. Je vivais chaque semaine avec beaucoup d’appréhension, notamment en attendant les résultats des votes. À l’époque, je manquais de confiance en moi, et la peur d’être nominée et éliminée me hantait. Mais à ma grande surprise, j’ai été saluée pour mes efforts, ce qui m’a profondément marquée.
Les technologies et les services téléphoniques de l’époque ne permettaient pas aux Tunisiens de voter comme dans d’autres pays, ce qui était frustrant. Mais, malgré cela, j’ai tout de même obtenu de bons pourcentages de votes à la fin. Je me souviens aussi de l’accueil à l’aéroport lors de mon retour en Tunisie, de la tournée dans les régions et de l’enthousiasme du public à chaque concert. C’était comme dans un rêve.
Les émissions de talents comme Star Academy, The Voice ou Arab’s Got Talent sont souvent présentées comme des tremplins vers la célébrité. Selon vous, permettent-elles vraiment de lancer une carrière ?
Ces programmes offrent une visibilité que l’on ne trouve pas ailleurs, mais cet impact est beaucoup moins fort aujourd’hui car la télévision n’a plus le même pouvoir qu’auparavant. Après l’émission, c’est au cas par cas et ça ne dépend pas que de l’artiste. Chacun doit se frayer son propre chemin, mais plusieurs facteurs entrent en jeu : des opportunités, un bon entourage, voire un peu de chance. Finalement, c’est le parcours personnel qui fait la différence.
Pourquoi vous êtes-vous retirée de la scène artistique après Star Academy alors que vous étiez à l’apogée de votre succès ?
J’ai sorti un premier album qui a été bien apprécié, puis j’ai continué à évoluer loin des projecteurs. Le problème avec Star Academy et les autres émissions de ce genre, c’est qu’on passe de l’anonymat total à une grande notoriété avec une vitesse vertigineuse. J’ai eu du mal à m’accommoder à cette transition. J’étais encore très jeune et je ne savais pas comment avancer, comment faire de bons choix. C’est surtout l’immaturité qui m’a freinée. Je n’avais pas l’expérience nécessaire pour gérer les soucis de production, la diffusion de mes chansons. De plus, le contrat que j’ai signé était sur une longue durée et ne m’a pas apporté de vrais avantages.
J’ai continué à chanter à l’étranger, mais dans un cercle plus restreint et sans nouvelles productions. Ces années passées m’ont permis d’affiner mon talent.
Peut-on comprendre que vous n’étiez pas en Tunisie au cours des années précédentes ?
Après mon passage à Star Academy, je me suis d’abord installée en Égypte où j’ai sorti de nouvelles chansons. J’ai également pris des cours de cinéma et j’ai eu l’opportunité de jouer un petit rôle dans un film égyptien. Le film a été rediffusé à plusieurs reprises sur Rotana Cinema et, à ma grande surprise, ce rôle, bien modeste a marqué beaucoup de personnes.
Ensuite, j’ai passé quelques années aux Émirats arabes unis, où j’ai continué à chanter, mais dans un cadre moins médiatique, loin des grandes scènes. J’ai également vécu à Erbil, au Kurdistan, avant de me rendre à Dubaï et au Liban. Pendant tout ce temps, ma vie de famille est devenue ma priorité. Je me suis mariée et j’ai eu deux enfants. Cela m’a demandé beaucoup d’attention et d’énergie. Ce n’est que récemment que j’ai pu revenir à ma passion première et relancer ma carrière à une plus grande échelle. C’est un rêve que je n’ai jamais abandonné, et je suis maintenant prête à le poursuivre pleinement.
La chanson a accumulé un grand nombre de vues sur différentes plateformes. Ce succès était-il prévu ?
Au fur et à mesure que mon absence se prolongeait, j’avais de plus en plus peur de reprendre. Les goûts du public avaient évolué, les méthodes de marketing avaient changé, et même l’attention du public semblait plus dispersée. Il m’a fallu énormément de courage pour me relancer. Je suis bien sûr très heureuse de ce succès. Mais, en même temps, je pense aux prochaines étapes. J’ai beaucoup d’idées, des chansons déjà enregistrées. Il reste encore beaucoup de travail pour maintenir ce succès et le faire grandir.
Comment envisagez-vous la suite après ce tube ?
Je vais sortir les chansons prêtes progressivement. Elles sont toutes en dialecte égyptien, mêlant balades romantiques et titres plus rythmés. La seule question qui me reste est de savoir si je les sors une par une ou toutes ensemble. Je pense qu’on n’est plus vraiment dans l’ère des albums complets, mais j’aimerais tout de même offrir au public un contenu varié pour qu’il puisse découvrir différentes facettes de mon travail.
Est-ce que vous avez des dates de concerts confirmées pour le moment ?
Nous avons l’habitude de ne pas programmer beaucoup de concerts durant l’année et de réserver cette activité principalement pour la saison estivale. Comme ma chanson est sortie après la fin des festivals, je n’ai pas encore planifié de concerts. J’espère qu’à l’approche de l’été prochain, j’aurai plus de chansons à partager et que le public pourra me retrouver davantage sur scène.
Quels sont les rêves que vous n’avez pas encore pu réaliser, mais auxquels vous tenez toujours profondément ?
L’un de mes rêves non encore réalisés est de réussir à l’échelle arabe. De nombreuses personnes de différents pays me suivent toujours depuis l’époque de Star Academy. Je reçois constamment des messages et des encouragements de mes fans, ce qui m’a vraiment donné la force de revenir sur scène. J’espère aujourd’hui reconquérir ce public qui m’a tant soutenue par le passé.
D’ailleurs, ma chanson en audio figure actuellement dans le Top 10 sur Anghami, dans plusieurs pays, ce qui est une belle source de motivation.
En plus du public qui vous connaît et vous apprécie déjà, comment comptez-vous gagner le cœur de la nouvelle génération ?
C’est un véritable défi, même pour les stars confirmées de ma génération qui ont toujours été en première ligne. Je vois que la nouvelle génération s’intéresse davantage à des artistes de leur âge. Je pense qu’une grande partie du travail doit passer par les réseaux sociaux pour atteindre ce public. Il faut une musique actuelle, des formats courts et un véritable travail sur l’image et les vidéos pour capter leur attention.