Face aux arnaques en tout genre, de la manipulation du compteur kilométrique à celle sur la valeur réelle de l’automobile d’occasion largement amortie, aux coûts de réparation nécessaires et envisageables, l’acheteur veut «en avoir pour son argent» et y réfléchit souvent à deux, voire trois fois avant de céder à la tentation d’achat. Un risque bien calculé et réfléchi est souvent fait, avant toute prise de décision. C’est que de nombreuses personnes viennent par curiosité et découvrent des «perles rares». Du coup, les acheteurs se font plutôt discrets et l’offre semble dépasser légèrement la demande…
Face à la flambée des prix du neuf et aux contraintes d’importation, le marché des voitures d’occasion en Tunisie est plus que jamais un pivot essentiel pour l’accès à l’automobile. Dimanche 12 octobre 2025, on a plongé au cœur du marché dynamique situé à El Mourouj (Ben Arous), où les opportunités côtoient les risques et livrent aux potentiels acheteurs les clés pour une transaction réussie. Parmi les tendances actuelles, il y a la chasse à l’économique et au fiable.
Chasse à l’économique et au fiable
Le marché tunisien de l’occasion est caractérisé par une forte demande pour des véhicules alliant faible consommation de carburant, entretien aisé et pièces détachées disponibles. Pour les vendeurs, il faut savoir que le stationnement dans l’enceinte du marché est payant à raison de 15 D pour un modèle automobile classique et 20 D pour une grosse cylindrée. Même s’il y a beaucoup de monde et de voitures mises à la vente, entre 400 et 600 «bagnoles» avec même des voitures immatriculées étrangères, la dynamique d’achat semble relativement faible.
Sur place, l’expert automobile Farès Fekih, passionné de voitures depuis son enfance, a décrit les nouvelles réalités du marché de l’occasion qu’il fréquente quasiment chaque dimanche depuis quelques années. Parmi les modèles attractifs au marché de l’occasion, Farès Fekih a rappelé l’intérêt de la clientèle pour les voitures asiatiques avec les coréennes Hyundai Grand i10 et i20, mais aussi les Kia Picanto et Rio. Fekih de poursuivre : «Il y a là beaucoup de voitures fiables, d’un bon rapport qualité-prix qu’on ne trouve nulle part ailleurs, en plus de leur élégance. Un seul point enraye les options disponibles, c’est la cherté des pièces de rechange. N’étant pas confronté à cet obstacle, les voitures françaises ont un succès certain avec des prix allant de 15.000 à 25.000 ou 30.000 dinars». Il relativise toutefois l’achat des modèles récents datant de 2012 et 2013 qui ont connu des réclamations, même en France au sujet du moteur Puretech qui «cause de nombreux problèmes techniques depuis sa conception et sa production». De quoi se rassurer davantage sur l’achat de modèles bien plus anciens qui ont l’avantage d’être à la fois fiables et reconnus pour leur forte résilience face aux pannes. Dans toute cette atmosphère autour de la nouvelle réalité du marché de l’automobile en Tunisie, les voitures de luxe connaissent un fort déclin, du moins pour les modèles d’occasion.
Exit les voitures de luxe
Au sujet des voitures de luxe, il dresse un tableau sans ambages : «Les clients n’arrivent plus à se payer des voitures de grande renommée du style Mercedes et BMW, à cause de leur prix qui a fortement grimpé. Ils lorgnent désormais plutôt vers les voitures chinoises. Les voitures chinoises ont évolué dans un contexte différent, notamment en termes de valeur grâce à la combinaison qualité-prix alliée à l’élégance. Il existe des marques comme Haval et Cherry. Il s’agit d’une voiture avec toute les options disponibles, à l’instar de la Tiggo 7, Tiggo 8 et Tiggo 8 Pro. Elle est équipée de différentes solutions et appareils, ce qui lui confère un rapport qualité-prix adapté à tous les goûts. Elle affiche un prix compris entre 100.000 et 120.000 dinars pour les neuves, à zéro kilomètre. Pour celles plus anciennes de 3 à 4 ans, il faut compter un budget d’acquisition entre 85.000 et 90.000 dinars.» Au sujet des marques indiennes, il a estimé qu’elles n’ont pas de franc succès en Tunisie et que seules les personnes qui ont une connaissance faible et relative en mécanique sont en train de les acheter. En cas de panne, elles trouvent les pires difficultés pour acquérir une pièce de rechange nécessaire et bien plus encore de grandes difficultés à les réparer, à les remplacer ou à les changer.
L’attrait pour l’ancien est indémodable
Le spécialiste et conseiller en automobile de poursuivre : «Ce que l’on constate sur le marché, c’est que les clients reviennent à l’ancienne génération automobile.» Les clients sont méfiants et réticents envers les nouveaux modèles de voiture sur lesquels il n’ y a pas de recul sur la qualité et la fiabilité. Une Renault 2007, 2008 et 2010 ou une Kia 2010 est pour lui la garantie de tranquillité et de sérénité quant à son bon fonctionnement. Fekih estime qu’il n’y a quasiment plus de place au trafic dans le marché et sur les 5 dernières années, la fraude a beaucoup diminué. « Parfois, 10, 15 ou 20 clients par heure commencent à chercher avec moi et explorer tout le marché en ma compagnie. Ils essaient de trouver quelque chose qui leur plaît».
Il a confié que les spéculateurs ont moins de marge de manœuvre, notamment lorsqu’ils tentent de diriger leurs clients potentiels, au motif que la «bagnole» n’est pas conforme aux caractéristiques techniques exigées. Il a même eu affaire à un contrôle mécanique, pour un acheteur potentiel qui a recouru à ses services, d’une voiture d’occasion exigée au prix de 70.000 dinars, alors que la voiture est accidentée, que le moteur a été modifié et remplacé et pour couronner le tout un «trucage» de l’indice kilométrique rabaissé à 40 000 km…
Les acheteurs se tournent alors massivement vers des modèles phares dont la réputation de fiabilité n’est plus à faire, dans une fourchette de prix acceptable.
Prix, modèles et pièges à éviter
Parmi les modèles populaires, il y a les Kia Rio et Picanto de 2017-2022 qui coûtent entre 35.000 et 40.000 D. Leur faible puissance fiscale, généralement 5 CV, très répandue, avec des pièces abordables font leur notoriété. La Hyundai Grand i10 avec sa fiabilité reconnue, idéale pour la ville, est prisée. La Suzuki Celerio datant de 2020-2024 s’écoule encore moins chère au marché de l’occasion entre 28.000 et 46.000 D. La moins chère avec la Suzuki Swift dotée d’une excellente consommation. Pour les voitures françaises, il y a l’indétrônable Renault Clio avec des modèles entre 2018-2022 dans un intervalle de prix entre 40.000 et 60.000 D. La polyvalence, le confort, et la bonne tenue de route sont ses atouts. Pour les voitures dites «populaires» du neuf à l’occasion récente, il faut compter au bas mot 28.000 à 35.000 D. Le conseil à l’acheteur est de tenir compte de la tension sur le marché qui maintient les prix à un niveau élevé, y compris pour des véhicules de plus de 5 ans. Il faut toujours négocier, mais avoir en tête que les modèles populaires s’écoulent généralement vite. Le vendeur doit s’assurer que la vignette (taxe annuelle) de l’année en cours a été payée avant la mutation. L’acheteur doit en tenir compte pour les années suivantes, paiement avant le 5 mars ou 5 avril selon la parité du matricule. Le premier contrôle technique doit avoir lieu 4 ans après la première mise en circulation.
Il n’est valable que 2 ans pour les voitures particulières. Le coût indicatif en 2025 est d’environ 36,500 D pour une voiture particulière. Il faut vérifier impérativement la validité du contrôle technique lors de l’achat. Un véhicule refusé en contre-visite nécessitera des réparations coûteuses.
Le vendeur doit être en règle avec sa déclaration d’impôt sur le revenu pour pouvoir payer la vignette et finaliser la vente. Il faut s’assurer que cette condition est remplie pour éviter tout blocage administratif. Le Carnet d’entretien doit être exigé. Un historique de maintenance complet est un gage de bonne santé mécanique et justifie un prix plus élevé. Pour évaluer la fiabilité de la carrosserie et du châssis, il est préférable d’examiner l’alignement des portes, la peinture ainsi que les éventuelles traces de retouche ou d’accident et, si possible, inspecter le châssis pour détecter des signes de torsion après un accident grave. Lors de l’essai routier, il faut être attentif aux bruits suspects (moteur, transmission), à l’état des freins, et au bon passage des vitesses (surtout pour les boîtes automatiques). La fraude au compteur kilométrique est un risque réel. Il faut comparer le kilométrage affiché avec l’état général du véhicule et les informations du carnet d’entretien.
Pour les acheteurs avertis, le marché de l’occasion en Tunisie est un labyrinthe où la patience et l’information sont les meilleurs outils. Pour l’acheteur, le mot d’ordre est la vigilance. S’assurer de la bonne santé administrative et mécanique du véhicule, tout en intégrant l’ensemble des frais annexes, garantit non seulement un bon prix, mais surtout une tranquillité d’esprit sur le long terme.