À l’approche de la fin de l’année, décembre installe toujours la même atmosphère étrange. Les lumières s’allument, les vœux commencent à circuler, mais sous cette surface festive se cache souvent une autre réalité : celle du bilan intérieur. En cette fin 2025, dans un monde secoué par des transitions technologiques rapides, des tensions économiques et un rythme de vie de plus en plus pressant, beaucoup ressentent une fatigue silencieuse. Pas seulement physique, mais mentale et émotionnelle.
Traditionnellement, le bilan de fin d’année ressemble à une feuille Excel de la vie : ce qui a été réussi, ce qui a échoué, ce qu’il faudra “mieux faire” l’an prochain. Objectifs atteints ou manqués, projets finalisés, promotions obtenues. Cette logique de performance, héritée du monde du travail, a fini par contaminer notre rapport à nous-mêmes. Comme si exister devait se justifier par des résultats mesurables. Pourtant, comme le rappellent de nombreux chercheurs en psychologie positive, notre cerveau n’est pas fait pour enregistrer équitablement le bon et le mauvais. Il privilégie naturellement ce qui manque, ce qui déçoit, ce qui fait mal. Et si, pour clore 2025, nous changions de regard ? Et si le bilan devenait un acte de gratitude plutôt qu’un procès ?
Quand notre cerveau nous pousse à l’autocritique
Si nous avons tendance à retenir surtout ce qui n’a pas marché, ce n’est pas un défaut de caractère. C’est le biais de négativité, bien connu en psychologie. Programmé pour repérer les menaces, notre cerveau accorde plus de poids aux échecs qu’aux réussites. En 2025, ce mécanisme se retourne contre nous : nous passons en revue nos manques comme s’ils étaient des dangers vitaux.
C’est là que la gratitude joue un rôle clé. Non pas pour effacer les difficultés, mais pour rééquilibrer la balance. Le chercheur américain Robert Emmons, l’un des pionniers du sujet, explique que la gratitude ne transforme pas les événements que nous vivons, mais la manière dont notre cerveau les intègre. En portant volontairement notre attention sur ce qui a soutenu, aidé ou simplement “tenu” au cours de l’année, nous modifions notre expérience intérieure. Petit à petit, le récit que nous faisons de notre vie devient moins dur, plus juste.
Dans ce regard renouvelé, les petites victoires prennent une valeur immense. Ce ne sont pas forcément des succès visibles, mais des gestes discrets : avoir été présent pour quelqu’un, avoir osé poser une limite, avoir continué malgré le doute. La psychologue Sonja Lyubomirsky souligne que se rappeler régulièrement ce qui a été positif dans sa vie est l’un des moyens les plus simples et les plus puissants d’augmenter durablement son niveau de bien-être. Ces moments ne font pas la une, mais ils construisent notre solidité intérieure. Les reconnaître, c’est déjà nourrir l’estime de soi.
La gratitude, un socle pour entrer en 2026
Longtemps perçue comme une posture un peu naïve, la gratitude est aujourd’hui solidement étayée par les neurosciences. Les recherches montrent qu’elle active des circuits cérébraux liés à la régulation émotionnelle et à la motivation, tout en réduisant le stress. Autrement dit, dire merci n’est pas seulement un geste moral, c’est aussi un acte de soin. Une manière de refermer l’année en apaisant le système nerveux.
Regarder 2025 avec bienveillance, c’est aussi poser un autre regard sur soi. La chercheuse Kristin Neff, qui a largement travaillé sur l’auto-compassion, rappelle que la bienveillance envers soi n’est pas un luxe, mais une condition de la résilience. Nous avançons mieux lorsque nous cessons de nous traiter comme un adversaire. Reconnaître une difficulté traversée, remercier les personnes qui ont compté, se souvenir d’un moment simple mais lumineux… Ces gestes ferment symboliquement le cycle de l’année et préparent le terrain pour la suivante.
À l’heure où 2026 se profile, la tentation est grande de repartir dans une nouvelle course. Nouvelles résolutions, nouveaux défis, nouvelle “meilleure version” de soi. Mais si, cette fois, le point de départ était différent? Non pas l’injonction à devenir meilleur, mais l’intention de rester aligné. Comme le résume le psychiatre Christophe André, le vrai progrès n’est pas toujours de vouloir plus, mais de savoir reconnaître ce qui est déjà là. La gratitude ne freine pas l’ambition. Elle lui donne un socle plus humain.
La fin de 2025 n’a pas vocation à être un tribunal. Elle peut être une escale. Un moment pour déposer ce qui a pesé et garder ce qui a porté. Vous avez fait de votre mieux avec les ressources, les forces et les fragilités qui étaient les vôtres. Et cela suffit.
Accueillir 2026 avec gratitude, ce n’est pas renoncer à avancer. C’est choisir d’avancer sans se perdre. Avant de chercher à conquérir l’année qui vient, prenez le temps de dire merci: aux autres, à la vie, et à vous-même. C’est peut-être là, finalement, le plus beau des bilans.